“Le Château qui flottait” de Laurent Albarracin sur le blog LE LORGNON MÉLANCOLIQUE (01/10/2022)
Merci à Patrick Corneau pour sa recension du Château qui flottait de Laurent Albarracin sur son blog Le Lorgnon mélancolique :
« Avec Le Château qui flottait, poème héroï-comique aux Éditions Lurlure, Laurent Albarracin prend le lecteur à rebrousse-poil avec un texte à la fantaisie débridée bien qu’assumant de forte contraintes formelles puisqu’il se présente comme une suite en alexandrins. Offre déconcertante dans le champ de la poésie contemporaine, décalée, voire anachronique, elle est à la fois l’envers de la veine habituelle du poète (‘Res Rerum’, ‘Manuel de Réisophie pratique’ chez Arfuyen) et l’une de ses expressions emblématiques : faire entrer paradoxalement un chaos stimulant ou plutôt un désordre créatif entre les bornes de la régularité métrique et du retour de la rime. Petit pas de côté mais tour de force poétique. Projet (et prouesse) qui permet d’ouvrir le texte à tous les vents de l’inspiration. L’anecdotique, le prosaïque affleurent mais tenus dans une narration suivie où la liberté excentrique sait où elle va. La langue de Laurent Albarracin habituellement dans un registre de haute tenue, se débarrasse de toute raideur pour s’assouplir, se couler dans les chatoiements, les bigarrures d’un bas-langage où le corps, le sexe font une entrée fracassante en mots et images. Surtout l’humour et l’ironie – que les bons lecteurs avaient entraperçu jusque-là – se débondent sous l’enseigne d’un burlesque délibérément affiché. Comme le souligne Emmanuel Boussugue dans la préface : « Le burlesque est une forme de comique outré qui met à mal l’étanchéité de ces niveaux, qui s’amuse d’abord à tout mettre cul par-dessus tête et laisse aussi la porte grande ouverte à l’invasion de la langue du tout dernier niveau. Ainsi, dans ‘Le Château’, le fil narratif épique n’implique aucune régulation stylistique ; aucune emphase martiale ou pathétique d’aucune sorte. Tout a droit de cité ici, pêle-mêle : le familier, le grossier, l’anglais, le technique, le purement phonétique, et tout se bouscule en effet au portillon. » Dialoguant avec la tradition ainsi qu’avec quelques compères en poésie (dont il est pour certains, l’éditeur), c’est la grande conversation poétique qu’il mène depuis des années que Laurent Albarracin met en scène ici comme poète, comme critique et comme éditeur. Tout ce qui le nourrit et le tiraille est là, dans un grand opéra fantasque qu’il orchestre en maître de la métamorphose et où il a l’élégance suprême – tel le chat du Cheshire – de disparaître, laissant derrière lui pour notre déconcertante édification l’énigme d’un sourire chargé d’énergies antagonistes nécessaire dans sa gratuité même. »